HIBAPRESS-RABAT
Un message de Bariza Khiari ravive les questions de l’ingérence étrangère dans le champ soufi marocain
Un message adressé récemment au ministre marocain des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Taoufiq, a suscité une attention particulière dans les milieux religieux et diplomatiques. Signée par Bariza Khiari, ancienne sénatrice française d’origine algérienne, cette correspondance invite les autorités marocaines à intervenir pour assurer une prise en charge médicale de Sidi Jamal, figure spirituelle de la tariqa Qadiriya Boutchichiya, actuellement hospitalisé à Oujda.
Diffusé publiquement via des canaux numériques, le message, bien que rédigé sur un ton personnel et courtois, contient une requête inhabituelle : que le Cheikh bénéficie, à l’instar de figures religieuses antérieures, de l’intervention des médecins royaux, sous la protection directe de Sa Majesté le Roi.
Cette initiative soulève des interrogations, non tant sur le fond — l’attention portée à la santé d’une personnalité spirituelle — que sur la forme et le contexte. Le Royaume du Maroc a toujours affirmé et assumé une gestion souveraine et institutionnalisée de son champ religieux. À travers l’Emirat Al Mouminine, inscrit dans la Constitution, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en sa qualité de Commandeur des Croyants et président du Conseil Supérieur des Oulémas, assure un suivi constant et direct des affaires spirituelles du pays, y compris celles liées aux grandes figures soufies.
La tariqa Qadiriya Boutchichiya, en particulier, fait l’objet d’une attention discrète mais continue de la part des plus Hautes Autorités du Royaume. Le lien qui unit ses Cheikhs à la Commanderie des Croyants s’inscrit dans une tradition nationale profondément enracinée, échappant à toute logique d’ingérence ou de médiation extérieure.
Le fait que cette initiative émane d’une personnalité politique d’origine algérienne, bien connue dans les cercles soufis internationaux, confère à ce message une résonance particulière. Ces dernières années, plusieurs observateurs ont noté les efforts déployés par certains cercles algériens pour développer une influence spirituelle régionale, notamment à travers le soutien à des confréries religieuses et l’encouragement de discours soufis alternatifs.
Dans ce contexte, la démarche de Mme Khiari, aussi isolée soit-elle en apparence, intervient à un moment où les équilibres d’influence dans l’espace religieux maghrébin font l’objet d’une attention stratégique. Elle s’inscrit dans un paysage où le Maroc, fort de son modèle religieux basé sur l’islam malékite modéré et la légitimité historique du Trône, continue d’incarner une singularité que certains tentent, parfois, de concurrencer.
Le message de Bariza Khiari ne remet pas en cause cette architecture, mais il en souligne les lignes sensibles. Il rappelle que le champ spirituel marocain, bien qu’ancré et maîtrisé, reste observé de près au-delà de ses frontières. Il confirme également que toute prise de parole dans cet espace hautement structuré peut être perçue, à juste titre, comme une tentative d’interférence, même sous des atours diplomatiques ou affectifs.
Dans un pays où la spiritualité relève d’une souveraineté pleinement assumée, ce type de démarche, lorsqu’elle devient publique, réaffirme l’importance de la vigilance. La bienveillance, lorsqu’elle est exprimée depuis l’étranger, ne saurait s’exonérer du respect des cadres institutionnels et des équilibres historiques qui fondent la relation singulière entre les croyants marocains et leur Commandeur.