« AL WATAN » LE DÉCORTIQUE : BOUTEFLIKA, POISSON D’AVRIL

Le président Bouteflika n’a pas besoin de faire la campagne électorale, il est connu, aimé et ses réalisations parlent pour lui». Ainsi s’exprimait le Premier ministre Ahmed Ouyahia lors de sa dernière conférence de presse.

  A suivre sa logique, nul besoin également d’organiser des élections dans la mesure où il se déclare convaincu qu’aucun candidat ne peut se mesurer ou rivaliser avec Bouteflika.

 C’est la confirmation que l’alternance au pouvoir, l’après-Bouteflika, n’a jamais été inscrit dans le marbre de l’agenda politique et électoral du chef de l’Etat depuis son intronisation en 1999.

Après avoir consommé quatre mandats successifs – dont celui finissant assumé dans des conditions de santé très éprouvantes – en faisant réviser la Constitution pour libérer puis de nouveau verrouiller les mandats présidentiels selon sa convenance afin de perpétuer son règne, Bouteflika n’entend pas prendre sa retraite politique de sitôt, comme l’invitent l’opposition et tous les Algériens profondément choqués par les dernières images peu rassurantes sur son état de santé.

Si Dieu lui prête vie et si la longévité du système en place n’est pas remise en question par un événement miraculeux, la reconduction de Bouteflika apparaît, à l’évidence, comme une simple formalité électorale.

La propagande du pouvoir qui veut faire croire que depuis l’avènement de Bouteflika aux affaires, l’Algérie est atteinte de stérilité pour procréer et enfanter des hommes et des femmes d’Etat, y compris du système, capables de diriger le pays, aurait pu à la limite se justifier, s’il n’était pas rattrapé par deux handicaps majeurs : sa santé déclinante qui ne lui permet plus désormais d’assurer même le minimum des activités protocolaires d’astreinte auxquelles il est soumis en puisant dans ses dernières énergies, et son bilan qui sera aussi son boulet durant la campagne électorale.

Le pouvoir aurait pu sauver les apparences en recourant à un plan B, dont il avait été d’ailleurs fortement question avant qu’il soit abandonné. L’absence de consensus sur un candidat de substitution à Bouteflika entre les clans du pouvoir a imposé cette solution de compromis, malgré le coût politique qu’elle implique à l’international en termes d’image de l’Algérie sérieusement écornée par la situation de vacance prolongée au sommet de l’Etat.

Il faut dire que beaucoup avaient cru à un geste de sagesse, de lucidité politique de la part de Bouteflika et de ses soutiens pour ne pas franchir le pas. Par sa gestion opaque de la question de la succession, de la candidature ou non-candidature de Bouteflika, le pouvoir a ligoté l’opposition et plongé la vie politique dans une profonde léthargie.

En vérité, la campagne pour le 5e mandat n’a pas commencé cette semaine avec l’annonce de la candidature de Bouteflika. Sa reconduction à la tête de l’Etat était programmée dès l’entame du 4e mandat, voire bien avant, selon un système de présidence à vie négociée et actée dès la première mandature. Le recours aux urnes n’étant qu’une formalité, une façade démocratique, le prochain scrutin ne dérogera pas à la règle de la discrimination positive imposée par le pouvoir au profit de ses candidats.

Le principe de l’égalité des chances entre les candidats qui est à la base de tout processus électoral démocratique devra attendre encore. Les candidats sérieux qui se mesureront à Bouteflika et, à travers lui à l’appareil de l’Etat dans tous ses démembrements qui seront comme lors des précédents scrutins mobilisés derrière lui, le savent pertinemment.

Face au scepticisme, au défaitisme de ceux qui voient dans l’implication des candidats hors système au prochain scrutin une tentation suicidaire, ces derniers – qui se présentent sous la bannière du changement, de l’alternance, voire de la rupture, c’est selon – misent fortement sur un large sursaut populaire, un réveil des consciences capable de provoquer un tsunami électoral.

En théorie, les ingrédients pour provoquer le déclic auquel appelle l’opposition sont là : l’erreur du pouvoir d’avoir trop titillé la dignité des Algériens en voulant imposer un candidat qui n’en est plus un au plan constitutionnel depuis le 4emandat déjà ; les clignotants de l’économie qui virent tous au rouge ; un bilan peu reluisant où les scandales et les affaires de corruption pendent au nez de Bouteflika ; l’absence de perspectives pour le pays qui est entré dans un trou noir.

L’Algérien est connu pour être imprévisible, déroutant : le pouvoir a tort de croire qu’en jouant sur la rente pétrolière, il pourra conjurer indéfiniment le mauvais sort, faire face aux menaces pouvant mettre en cause sa pérennité.

L’histoire l’a suffisamment démontré : l’assurance-vie pour les systèmes autocratiques n’existe pas. Pour autant, le printemps algérien promis par les candidats antisystème a-t-il quelque chance d’être au rendez-vous le 18 avril prochain ? Omar Berbiche

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