Migration et phénomène migratoire : réflexions sur une thématique galvaudée, compromise idéologiquement

Hibapress / Jilali Chabih*

La thématique de la migration a été largement galvaudée, compromise même, et souvent, très souvent, utilisée de manière très idéologique. Elle a toujours constitué, et cela depuis un long moment déjà, le cheval de Troie des partis populistes, de l’extrême droite, et de leurs idéologues, véhiculant ainsi, avec véhémence, de la haine, de la xénophobie, du racisme, de la ségrégation raciale  (…)

Le phénomène migratoire, anthropologiquement parlant, est si nécessaire, si naturel qu’il représente aujourd’hui 2020, quelque 260 millions de migrants internationaux. Ce chiffre, qui ne tient pas compte de la migration interne, incarne pour l’être humain – pour l’être vivant en général – un besoin vital de survie, un besoin de subsistance, un besoin d’air et de liberté. On ne saurait confiner, à moins d’une pandémie, dans un espace limité, un être humain, ou un être vivant tout court, qui a toujours eu la mobilité dans les gènes et le
goût de l’itinérance  (…)

La migration n’a été réellement dénigrée, stigmatisée, que depuis l’appropriation de l’espace, le tracé arbitraire des frontières, des murs et des barbelés, et la protection farouche des intérêts économiques de certains
peuples, dans certains continents, il y a à peine 200 ans, mais surtout depuis l’exacerbation de la xénophobe, des désirs communautaristes et nationalistes de certaines catégories sociales dans certaines régions, depuis une centaine années .
Il y a eu, après une accalmie, un regain de haine xénophobe, raciale, envers certaines catégories de migrations et des migrants, depuis une vingtaine d’années, et qui est allé crescendo depuis 4 ou 5 ans. Depuis que les
proportions et ratios des migrants se sont intensifiés, pour telle ou telle raison, en direction d’une contrée plutôt que d’une autre.
En effet, une typologie claire et exhaustive des migrations individuelles ou collectives, internes ou externes, forcées ou volontaires, définitives ou temporaires, clandestines ou autorisées, peut nous renseigner sur les causes exactes, les causes profondes de celles-ci, qui sont par ailleurs multiples et variées.
On relèvera ainsi des migrations pour des raisons religieuses, économiques, politiques, climatiques, fiscales ou intellectuelles (…)

Aujourd’hui encore certains fuient leur propre pays en raison de la persécution ou de l’intolérance religieuse dans beaucoup de pays fanatiques comme la Thaïlande, l’Iran, l’Irak, la Syrie, l’Egypte, le Liban, l’Afghanistan…
Parmi les raisons économiques et sociales de s’expatrier on citera notamment la colonisation, le peuplement et l’exploitation des richesses des pays conquis, puis ses corolaires : le dénuement, la pauvreté et la recherche du
travail des « autochtones », démunis. L’émigration en est d’aujourd’hui l’effet boomerang.
On citera également l’exode rural (à l’intérieur), et le dépeuplement des campagnes déshéritées au profit des villes saturées, et dans le même ordre d’idée, l’exode des cerveaux déçus, des talents dévalorisés (vers l’extérieur), à la recherche, l’un comme l’autre, du travail, de l’emploi et de meilleures conditions de vie.
Les facteurs politiques, sécuritaires et géostratégiques comme l’esclavage, la déportation, l’oppression, les guerres et les conflits armés, sont autant de causes majeures de s’expatrier, de fuir son pays ou d’en être chassé.
Les variables financières et fiscales comme la pression fiscale ou les incitations fiscales et la grande question des paradis fiscaux, les investissements (I.D.E.), très rentables, la fuite des capitaux et l’évasion fiscale ou même le blanchiment d’argent… sont aussi autant de causes déterminantes d’émigrer, de s’expatrier ou de fuir son pays. On notera ainsi les cas flagrants des gros capitaux, revenus ou patrimoines élevés, les riches et très riches malhonnêtes, mais aussi les narcotrafiquants (…)

 *Professeur de Droit à l’Université Cadi Ayyad, Marrakech

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