POINT DE VUE A TENIR EN COMPTE : LE DÉFI DE L’ÉCOLE ET DE LA SOCIETÉ. COMMENT LE RELEVER ?

HIBAPRESS-RABAT

Pour des raisons en partie déclarées et généralement dissimulées, la société crée l’école. Elle l’instrumentalise à sa guise et l’oriente à son dessein. A des moments, lorsqu’une interrogation la préoccupe, elle lui cherche une réponse adéquate au sein de l’établissement scolaire. Elle procède par élever les nouvelles générations, les éduque et les prémunit contre l’ennui en question. A d’autres moments, lorsqu’elle souhaite cultiver des innovations dans le territoire, elle ensemence à la bonne saison, mais toujours entre les murs de l’école. Ainsi l’école et la société s’échangent-elles le solvant et la substance dissoute tellement qu’il est délicat de distinguer ce qui vient de l’école de ce qui nait dans la société.

Aujourd’hui, à force de brocanter l’une de l’autre, la société et l’école endurent les mêmes épreuves et souffrent ensemble. Elles sont toutes les deux prises par la tempête. En effet, elles produisent ensemble l’invalidité, nourrissent la triche et cultivent directement ou indirectement la violence.

Différents rapports nationaux et internationaux, gouvernementaux et non gouvernementaux soulignent la faible rentabilité de l’école et énumèrent ses multiples dysfonctionnements. Le

Conseil Supérieur de l’éducation de la formation et de la recherche scientifique conclue son rapport de 2018 en disant:

« Le Maroc enregistre un indice moins élevé que la moyenne dans les pays de l’OCDE, soit 64% contre 88%. »

Dans tous les coins de la rue, au sein des foyers et à l’intérieur des établissements scolaires, des comportements non désirés pullulent; des violences voire des agressions se multiplient et n’épargnent personne. A l’école, ni les élèves ni les enseignants ni non plus le personnel de l’administration ne sont à l’abri du comportement agressif. La triche quant à elle, fait tache d’huile. Des faits troublants surgissent à l’annonce des résultats de chaque concours. Certains jeunes, à cause de la discrimination dont ils croient être victimes, retirent le symbole de la valeur au travail, ils ne le considèrent plus comme vertu. Les normes sont étrangement inversées ! Autrefois, c’étaient les élèves moins studieux qui étaient relativement mal perçus dans le groupe classe et dans l’établissement. De notre temps, ce sont les laborieux qui sont en proie aux moqueries de leurs camarades. La fainéantise se propage et se généralise progressivement. Les données statistiques montrent que les élèves réussissent de moins en moins dans leur scolarité, que ceux des filières scientifiques progressent dans leur cursus uniquement grâce aux notes obtenues dans les matières littéraires. La société évolue dans les mêmes circonstances que l’école et supporte ses faiblesses et les conséquences de ces dernières. En effet, dans un rapport d’évaluation du système de la fonction publique au

Maroc, la cour des comptes souligne que « La fonction publique territoriale ne dispose pas toujours de ressources humaines qualifiées pour assurer les missions qui lui sont assignées connait une inadéquation entre les ressources humaines dont elle dispose et les missions qui lui sont assignées. »

L’école n’est plus en mesure de sauver la société comme elle le faisait auparavant. La société, à son tour, se trouve impuissante de prêter main forte à l’institution éducative. Elles finissent par s’enliser concomitamment dans le bourbier. Le constat est évident et amer, il est connu de tous. Triste sort certes! Néanmoins, les lamentations ne dénouent pas la situation, les solutions du prêt-à-porter venant d’ailleurs non plus. La concertation demeure le moyen qui pourrait trouver comment il serait possible de remédier à la situation malheureuse de l’école et de la société, comment il serait possible d’assigner à l’école la mission de contribution à la cohésion sociale et à la transmission des valeurs ancestrales. Et comment il serait envisageable d’attribuer à la société le rôle d’environnement d’émancipation et de solidarité de proximité comme l’était celle de nos ancêtres.

Aussi faut-il souligner que parler des valeurs ancestrales, ne signifie en aucun cas une nostalgie des époques révolues. Nous vivons depuis des millénaires nous avons appris à relever des défis et vivre la modernité en adéquation avec ce que nous sommes. Les valeurs ne sont jamais synonymes des pratiques. Ces dernières varient d’un groupe à l’autre et d’une période à l’autre et ce sont les conditions de vie qui imposent les pratiques convenables. Les valeurs, comme le respect, le travail, la solidarité … quant à elles, sont intemporelles, c’est leur opérationnalisation qui reste tributaire du moment de l’Histoire. Il est indiscutable que depuis que le monde est monde, les valeurs humaines étaient et restent universelles. Le vivre ensemble l’exige et la société s’y conforme.

En principe, L’évolution, toute évolution, se fait par l’organisme lui-même en s’adaptant à son environnement. Elle lui est intrinsèque. Les facteurs externes qui pourraient intervenir dans le déroulement du processus ne font que favoriser ou défavoriser ce dernier. Le développement émane de la structure. Pour refonder donc la société et l’école sur des bases solides et par conséquent leur permettre de se développer, le socle ancestral est fondamental, puisque c’est lui seul qui peut supporter le projet, autrement l’édifice demeure métastable et risque de s’effondrer.

Les deux dernières réformes en date dans notre pays concernant la société et l’école sont respectivement le modèle de développement publié en mai 2021 et la feuille de route 2022- 2026 visant à instaurer un nouveau modèle pour la gestion de la réforme de l’éducation.

Ces deux réformes tiennent-elles compte du rôle cardinal du soubassement identitaire de la société marocaine ?

L’examen des postulats du modèle de développement montre qu’il souhaite s’appuyer entre autres sur le territoire afin de générer des richesses et assurer la durabilité de leur création.

Mais un territoire est, en plus de l’étendue géographique et des humains qui y vivent, est aussi une histoire, une culture et des valeurs véhiculées par cette dernière. Lesquelles valeurs assurent la cohésion du peuple marocain depuis sa genèse et tout au long de son Histoire. Ces valeurs méritent attention et représentent, en principe, une fin en elles-mêmes. En effet, le caractère développé des marocains à cohabiter pacifiquement avec d’autres communautés; ce respect remarquable de la différence et cette tolérance généreuse envers l’autre et bien d’autres valeurs fondatrices de la société marocaine sont dignes d’être nourris et cultivés.

La feuille de route pour la réforme de la gestion de l’école quant à elle, prévoit l’amélioration effective de la qualité de l’école publique. Ambition légitime et louable. Mais, elle s’est focalisée principalement sur la partie technique, c’est-à-dire sur le volet didactique de l’acte enseignement-apprentissage. Or la formation, l’encadrement et l’enseignement ne sont pas uniquement que des tours de main et une maîtrise d’un certain nombre de procédures. Ils sont surtout un regard émanant d’un fond pédagogique et philosophique. La didactique seule ne sera pas à même de remédier au malaise structurel dont souffre l’école. L’enseignement apprentissage se fait en situation-problème tenant lieu de première variable et d’élément central dans la pratique de classe. En outre, lorsque le fond pédagogique fait défaut, lesdites pratiques de classe manquent de créativité. Le technicien n’ose pas s’aventurer !

L’audace de réfléchir en dehors de la boite nait généralement du recul construit sur un certain degré de l’appréhension.

Aussi l’approche TARL, encore très technique, légitime-t-elle les classes à cours multiples et limite les fonctions de l’école aux activités de base en l’occurrence lire, écrire et compter.

Cependant, dans une école de qualité, l’élève s’épanouie d’abord. Ensuite, petit à petit, apprend à apprendre. Finalement, il devient autonome. Ainsi sera-t-il capable de réfléchir, de faire son choix délibérément et de mettre en place des stratégies d’apprentissage selon son besoin. Il prendra conscience de ses limites et de ses compétences et pourra finalement élaborer sans difficultés majeures son projet personnel.

L’approche TARL est désarmée pour atteindre de tels objectifs.

En guise de conclusion, emprunter pour créer est intéressant voire même recommandable.

Néanmoins, se contenter de la consommation de l’imitation et boiter le pas des nations qui se fraient leurs chemins propres pour le bonheur de leurs citoyens, n’honore ni le gouvernement ni le ministère chargé de l’éducation nationale. Il est pressant de se rendre à l’évidence et reconnaître que le défi à relever est de développer une conception autochtone.

Reste donc à savoir si la stérilité dans ce domaine est due à l’infertilité de la recherche ou bien au manque de confiance des autorités de tutelle dans les compétences nationales.

 

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