Najib Akesbi : « Le réel obstacle, c’est le déficit de confiance »

Hibapress

Le lundi 27 Janvier a eu lieu la cérémonie de présentation au Roi et de lancement du Programme intégré d’appui et de financement des entreprises. Mis en place « dans le but de soutenir les opérations d’appui au financement de l’entrepreneuriat », ce fonds sera doté d’une enveloppe de 6 milliards de dirhams, sur une durée de 3 ans, financé à moitié par le secteur bancaire. L’éminent économiste marocain, Najib Akesbi revient avec Menara sur cette initiative.

En tant qu’économiste, comment accueillez-vous ce « Programme intégré d’appui et de financement des entreprises » ?

Je ne suis pas du genre à jeter le  bébé avec l’eau du bain ou à cracher dans la soupe. Nous ne pouvons qu’accueillir avec optimisme ce genre de démarche. Le problème de financement au Maroc est une évidence. Le financement entrave, bloque et ralenti le développement des PME et TPME. Maintenant, est-ce que le financement représente le principal obstacle de la petite et moyenne entreprise ? Et surtout, est ce que cet énième programme a retenu les enseignements des expériences passées ? Pour rappel, on parlait déjà de programmes d’appui aux jeunes entrepreneurs dans les années 80. Ces programmes ont tous comme point commun un épilogue catastrophique. Trente ans après, il me semble, à la lecture des points saillants de ce programme, qu’il n’y a toujours pas d’analyse sérieuse des facteurs ayant causés l’échec des tentatives antérieures. Maintenant le mot « intégré » peut laisser présager une approche globale et holistique, auquel cas ce programme pourra se rapprocher d’une réelle solution.

 

Les PME et TPE sont les plus fragilisés par les délais de paiement, qui restent une problématique critique au Maroc. Pensez vous que ce programme peut être efficace aux vues des obstacles que représentent l’environnement économique et le climat des affaires au Royaume ?

On peut parler des délais de paiement effectivement, mais selon moi le réel obstacle c’est le déficit de confiance. L’investissement est un acte de confiance envers l’avenir. Par définition, un investissement, c’est le fait de renoncer à une consommation immédiate pour la différer à une autre ère, parce qu’on se projette dans un avenir auquel on a confiance. Il est évident que si nous n’avons pas confiance dans l’avenir, dans l’environnement et dans les institutions, l’investissement ne pourra jamais s’amplifier naturellement. Les chiffres parlent d’eux même. Après 50 ans de mesures favorisant l’économie de marché et l’investissement privé, celui-ci ne représente que 25% de l’investissement global. Et on ne parle pas uniquement des startups, mais des poids lourds du secteur privé marocain, qui devraient être la locomotive de l’investissement marocain. Comment demander à un jeune entrepreneur de se lancer aux vues de ces chiffres.

On parle d’un financement partagé entre les banques et l’Etat, mais aussi d’un « taux de refinancement privilégié consenti aux banques par Bank Al Maghrib ». Est-ce que cela présage un réel partage du financement ?

Répondre à cette question relèverait du procès d’intention. Mais si on analyse logiquement le comportement du secteur bancaire au Maroc, on peut aboutir à une conclusion simple : les banques ne sont jamais perdantes. Si elles ne gagnent pas, elles ne perdent rien. On peut prendre l’exemple de la sous-traitance de la vignette automobile.  Les banques ont l’air de rendre un service public, mais en fait il s’agit d’une opération profitable et fructueuse. Pour ce programme, Bank Al Maghrib ouvrira les vannes. Même si la majorité de leurs ressources sont gratuites – puisqu’il s’agit de dépôts- , en aucun cas les banques ne proposeront des crédits à perte.

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