Témara, dérapage islamiste …

Pr. Mourad Alami, Professeur universitaire

Ce qui s’est passé dernièrement à Temara est aussi bien triste, scandaleux que très dangereux. Il faut sérieusement se demander qui a donné cette idée farfelue, dictée par un goût de la bizarrerie et de l’irrationnel, au Conseil de Commune de Temara, dominé par des islamistes fanatiques et possessifs, de nommer des rues marocaines d’après des prédicateurs khalijis qui transpirent la haine, la xénophobie islamiste et l’intolérance. Un échantillon : Khalid Saoud El Halibi, Ahmed Anakib, Adam Adahlouss, Khalid Assoltan, Khalid Alhomodi. La figure hideuse de l’islam politique dans toute son horreur.
On ne peut donner ces noms khalijis à des rues marocaines que s’il y a eu un « échange de marchandises » ou les représentants dudit Conseil, dirigé par une entité islamiste qui excelle dans la provocation goguenarde et ironie vengeresse, ont été aveuglés par l’idéologie de l’islam politique qui représente une menace sérieuse et imminente pour le Royaume. On n’a pas oublié encore les attentats terroristes et barbares du 16 mai qui restent à jamais gravés dans la conscience collective de toutes les Marocaines et Marocains ; nous sommes encore en
plein mai. Vraiment quelle prouesse, quel doigté et quel timing !
Ce Conseil de Commune doit être possédé par les idées les plus saugrenues, les plus endiablées qu’on puisse imaginer. Est-ce qu’il n’a pas pu se rendre compte que la quasi-totalité des noms de rues représentent la mémoire collective d’une commune, d’une ville, d’une province, d’un pays, d’un espace de culture commun et qu’ils sont liés étroitement à l’histoire de ce pays ? Est-ce que cela est le fruit d’une arrogance islamiste, foyer d’une maladie incurable, d’un orgueil salafiste de grossièreté étalée, ou cela est dû simplement au
profond mépris que ces gens éprouvent pour un État démocratique et pour l’État de droit ?
Est-ce que nous sommes dépourvus d’imagination de sorte qu’on serait tenu de nous approvisionner en noms de rues originaires de zones de conflits, de guerres fratricides et de tensions interconfessionnelles?
Il y a différentes possibilités, si on se donne un peu de peine et on creuse seulement et davantage dans le patrimoine national, on ne va pas tarder à réaliser qu’il y a un potentiel inépuisable d’alternatives : les rivières, les plantes, la faune et la flore qui compte plus de 7000 espèces au Royaume. Où est alors le problème ? L’islam politique!
Normalement, beaucoup de rues portent le nom de personnalités importantes, reconnues, réputées pour ses qualités, moralement et intellectuellement distinctes de toutes les autres, sans aucune charge négative, des personnalités exemplaires et qui jouent un rôle modèle pour les autres, ce qui n’est pas le cas des noms précités plus haut.
Dans les démocraties occidentales, c’est un sujet tabou de nommer des rues d’après des personnes qui sont encore en vie, afin de ne pas perdre de vue l’expérience douloureuse de la deuxième guerre mondiale ; parce que cela rappellerait le culte de la personnalité, devenue par la suite une forme de religion autorisée, comme c’était le cas pendant la période de l’Allemagne nazie, du fascisme en Italie et du bolchevisme de l’Union Soviétique. Une panoplie de rues ont porté le nom de Adolf Hitler, Mussolini ou Staline.
L’islam politique restera toujours un sujet qui devrait interpeller l’État marocain et la société civile libre, non partisane ; et c’est un sujet qui nous préoccupera aussi bien sur le plan local qu’à l’international. Ainsi, il restera un danger, une crainte qui ne s’atténuera et ne s’apaisera jamais, si l’État ne prend pas des mesures robustes et appropriées. Il n’y a aucun doute que l’islam politique aspire à la révolution islamiste mondiale ; Témara n’est qu’une première étape, et c’est comme ça que se développe un tsunami dévastateur, des petites vagues au
début, qui se transforment par la suite en une vague monstrueuse. Les Ayatollas iraniens et
khalijis sont le meilleur exemple en la matière.
La marche légale et obstinée à travers les institutions, Conseil de Commune de Témara, doit servir à imposer les choix et idées de l’islam politique. Même la coalition avec des partis adverses n’est qu’une ruse ; elle est particulièrement indispensable dans le but d’accélérer la mainmise sur l’État et toutes ses institutions. Le bolchevisme, l’idée collectiviste est morte, l’islam politique a pris sa place, et il continue à influer fortement sur l’imaginaire collectif, surtout des couches sociales vulnérables qui ne discernent pas encore le grand projet nuisible des frères musulmans marocains.
Ce que les islamistes marocains ont réalisé jusqu’ à présent est de fragiliser et de diviser la société marocaine, pas plus, sans aucune valeur ajoutée. Et si un grand nombre de Marocains et de Marocaines se sont enrichis, ce sont eux en premier lieu, tout en garantissant aux membres du parti des postes importants dans la fonction publique. Pour des raisons d’équité, cela vaut pour tous les autres partis politiques marocains. Hélas !
L’islam politique est un contre-projet à un état moderne, à un État de droit, à la démocratie et au droit à la liberté de l’individu. Il s’agit d’une idéologie de pouvoir et de domination qui suscitera toujours un climat de tension, d’insécurité constante aussi bien à Témara, Tanger, ou ailleurs. La fixation de but de l’islam politique est la transformation, la réorganisation révolutionnaire de la société marocaine et de l’État au moyen des pratiques et des valeurs de l’Islam ; et c’est là le nœud du problème, surtout pour ceux qui ne connaissent pas les
manigances des partis d’obédience islamiste.
L’État marocain doit vraiment envisager la possibilité de radier les prédicateurs de la haine de la fonction publique, et toute personne qui essaye d’endoctriner les élèves des écoles, collèges et lycées étatiques ou privés ; car le dérapage islamiste à Témara n’a pu naître et surgir à la surface que d’après un projet idéologique de longue date et des plus inquiétants, tout en tenant compte que les représentants de cette commune ont été bien scolarisés au Maroc, et pas dans un autre pays. Les premières assises de la mouvance islamiste ont été jetées pendant le début des années 80 par l’ancien ministre de l’intérieur Driss Basri, qu’ont pourrait qualifier avec confiance de père fondateur des frères musulmans marocains, paradoxalement sans vraiment
le vouloir, calcul et tactique politiques pas plus.
Après cette expérience douloureuse de Témara, il est impératif de créer une commission consultative auprès de chaque commune, et cela dans tout le pays, qui sera composée de spécialistes de langues vivantes, d’histoire, de littérature, de culture, de musique, de géographie etc., dans le but d’éviter que pareille situation se reproduise, mais de promouvoir aussi la gente féminine, exclue jusqu’à présent des noms de rues et boulevards marocains. Le rôle de cette commission sera d’établir des expertises, tout en tenant compte du patrimoine
local, régional et suprarégional, et qui seront contraignantes par la suite pour la commune en
question.
On peut envisager par exemple trois types de critères : A, « convenable », B, « discutable », C, « inadmissible ». Et les noms de rues qui ont garni quelques artères de Témara jusqu’à une date récente ont été bel et bien «inadmissibles ». Un grand bravo pour la société civile locale non partisane et son implication immédiate et inconditionnelle, initiative louable et pleine de bon sens !

 

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